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Confrontée au refus généralisé de son programme d’armement 2004, l’armée suisse est désormais en danger 13 juin 2004 ![]() ![]() ’événement est unique : la publication par le Conseil fédéral du programme d’armement 2004 s’est heurtée à un refus net et unanime des 4 partis politiques représentés au Gouvernement. L’existence même de l’armée en tant qu’outil stratégique est désormais menacée. Les temps sont plutôt amers pour les membres de l’institution militaire : confrontée à des missions toujours plus longues et nombreuses, l’armée est devenue le jouet politique des partis gouvernementaux, qui peuvent à peu de frais s’offrir l’apparence de responsables intègres et économes en combattant systématiquement son budget pourtant en baisse constante. Quitte à mettre en péril la capacité des militaires à remplir les missions fondamentales que le peuple et les parlementaires lui ont confiées, à commencer par celle consistant à défendre le pays et sa population. Ainsi, alors que l’armée devra continuer à assurer la protection des bâtiments consulaires en Suisse parce que les cantons refusent d’augmenter les ressources accordées à leurs polices, et qu’elle devra remplir au moins une mission internationale supplémentaire avec un contingent de 20 militaires en Bosnie, ses mesures d’économie décidées dans le domaine logistique et ses investissements en matière d’équipement suscitent des résistances féroces au sein de la classe politique. Mais nul ne se soucie encore de savoir si l’armée est et sera encore capable d’affronter une menace stratégique majeure, symétrique ou non. Déséquilibre entre fins, moyens et méthodes Les réactions suscitées par le programme d’armement 2004 forment le dernier exemple en date d’une tendance hélas typique des démocraties européennes et de leurs dirigeants politiques : l’obsession des enjeux à court terme ayant une valeur électorale et la négligence des intérêts à long terme. Devisé à 647 millions de francs, ce crédit d’engagement adopté le 27 mai dernier par le Conseil fédéral est pourtant moitié moins coûteux que la moyenne des programmes entre 1993 et 2003, et l’augmentation de 240 millions par rapport au programme 2003 avait été annoncée dès l’an passé – et correspond à l’orientation du Plan directeur de l’Armée XXI. Toutefois, limiter au maximum les dépenses et s’appuyer sur les décisions précédentes – y compris celles du Parlement – n’est désormais plus suffisant pour convaincre une majorité de la classe politique. Ce programme d’armement se compose ainsi des éléments suivants :
En tout état de cause, ces acquisitions s’inscrivent entièrement dans les capacités à maintenir ou à développer afin de permettre à la nouvelle armée d’accomplir ses missions. Il est possible de contester les choix techniques effectués, mais pas la nécessité d’acquérir de tels systèmes – et certainement pas aux quantités mentionnées. Les chars du génie et de déminage sont ainsi essentiels pour l’engagement des véhicules blindés en situation de défense ou de sûreté sectorielle dynamique, alors que les avions de transport sont indispensables pour les missions d’assistance et de promotion de le paix à l’étranger. Ce sont pourtant ces deux objets qui suscitent les plus vives résistances des partis politiques. Pour le PDC, les chars du génie ne correspondent plus à la menace, et de nouveaux avions ne sont pas pour l’heure nécessaires. Pour le PRD, ce sont les priorités financières qui interdisent les investissements de l’armée en matière d’équipement. Pour l’UDC, de même, ni les avions, ni les chars du génie ne sont une priorité. Enfin, le PS reste fidèle à ses réflexes idéologiques en demandant un moratoire sur toute dépense d’armement – tout en exigeant de l’armée qu’elle remplisse de nouvelles missions à l’étranger. En fait, les deux investissements les plus contestés sont aussi ceux dont l’utilité sera certainement supérieure au cours de la prochaine décennie qu’aujourd’hui. Ce que la classe politique de ce pays a du mal à concevoir, c’est que les décisions prises aujourd’hui sur le plan militaire auront des effets à long terme, puisque les systèmes acquis ont une durée de vie moyenne dépassant les 30 ans. Scotchés sur la législature en cours et sur leurs objectifs électoraux, les partis gouvernementaux semblent clairement incapables de saisir la projection que nécessite une politique d’équipement cohérente. Pour l’armée, la contestation systématique d’investissements pourtant légitimes et essentiels pose un problème considérable. La stratégie, même si elle ne fait pas l’objet d’un enseignement dans ce pays en-dehors de la formation militaire, repose en effet sur l’équilibre de trois éléments : les fins (les objectifs à atteindre, ensuite exprimés sous la forme de missions), les moyens (les ressources accordées pour remplir ces missions) et les voies (les méthodes employées pour ce faire). Modifier un ensemble nécessite la recherche d’un nouvel équilibre, comme l’a illustré la réforme Armée XXI ; mais sans cesse toucher aux moyens sans modifier les fins et les méthodes condamne à l’inefficacité. Il devient ainsi urgent pour les militaires de réagir afin que l’armée demeure un outil stratégique de valeur. La réduction constante des moyens doit avoir des conséquences sur les missions, sur les méthodes, voire sur les deux. En d’autres termes, si la classe politique de ce pays continue d’étrangler l’institution militaire sur le plan du financement, celle-ci doit exiger la réduction de ses missions (par exemple dans le domaine subsidiaire) ou la modification de ses principes d’emploi (par exemple par l’intégration à un espace de sécurité commun européen). C’est uniquement en rappelant aux dirigeants politiques que les décisions dans le domaine militaire ont un coût que l’on parviendra à limiter le dilettantisme ambiant et l’arrogance issue de l’ignorance. Lt col EMG Ludovic Monnerat Site connexe
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