elon le chef d'état-major israélien Moshe Ya'alon, le conflit avec les Palestiniens constitue la principale menace stratégique contre l'Etat d'Israël, aux côtés de la nucléarisation du Proche-Orient. Un long entretien publié par le quotidien Haaretz fournit ainsi un aperçu saisissant des réflexions stratégiques au sein des Forces de défense israéliennes.
Toutefois, depuis nos premiers retraits du Liban, après l'opération Paix en Galilée [dénomination officielle de la guerre du Liban, en 1982], cet acquis s'est de plus en plus érodé. Durant près de 20 ans, le sentiment s'est développé, au Moyen-Orient, que, quoique l'armée israélienne soit puissante, la réticence de la société israélienne à consentir des sacrifices constitue son talon d'Achille stratégique.
Cette perception a affecté tout le processus d'armement ainsi que la conception militaire et terroriste dans la région. La conclusion fut que puisqu'il était impossible de se mesurer aux forces de Tsahal, il fallait trouver des moyens de contourner sa force afin de frapper directement la société israélienne, qui est incapable de supporter des pertes. D'où le recours aux missiles sol-sol et au terrorisme. L'hypothèse était qu'une attaque directe contre la société israélienne ferait bouger les choses. Et cela a fonctionné.
C'est ce qui s'est produit, d'abord en 1983-1984 ; puis avec la négociation Jibril [l'échange, en mai 1985 - après des négociations avec le Commandement général du Front pour la Libération de la Palestine d'Ahmed Jibril - de trois Israéliens faits prisonniers lors de la guerre du Liban, contre 1.150 terroristes emprisonnés en Israël] ; puis avec ce qui a été interprété comme un fléchissement d'Israël face aux pierres et au terrorisme de l'Intifada. Cela a continué après Oslo et le sud-Liban, quand il apparut qu'Israël était incapable de supporter une situation de 20 à 30 décès [de militaires] par an.
Par conséquent, en que tant responsable censé assurer la sécurité, je puis dire qu'alors que, dans le domaine de la confrontation militaire conventionnelle et non conventionnelle, nous avons créé une dissuasion efficace, nous n'avons pas réussi à créer cette dissuasion face aux missiles sol-sol, ou au terrorisme. Beaucoup dans la région estiment que, si la société israélienne est prise pour cible, cela pourrait provoquer le capitulation d'Israël.
Le samedi soir avant l'attaque, nous avons eu une discussion. Il était clair pour nous que, pour provoquer l'effondrement de l'immeuble, nous aurions besoin d'une tonne [d'explosifs], et la question était de décider si nous emploierions une bombe d'une tonne, ou deux d'une demi-tonne. Nous avons l'expérience d'avoir lâché 160 bombes dans le secteur palestinien sans qu'un seul civil innocent ait été tué, mais notre souci était que deux bombes impliquaient le risque statistique de manquer la cible.
Aussi, j'envoyai l'Armée de l'Air pour faire une inspection, et ils sont revenus avec la réponse qu'une bombe d'une tonne était plus sûre. L'évaluation était que le résultat serait la destruction de la maison de Shehadeh et des dommages à l'immeuble vide voisin, et des fenêtres brisées dans le secteur et des morceaux de métal qui voleraient des baraques de tôle avoisinantes. Il y aurait des blessés, mais pas de morts. Cependant, a posteriori, il s'est avéré que la maison voisine n'était pas vide. L'exécution de la mission par l'Armée de l'Air avait été parfaite, mais la lacune dans le renseignement concernant la maison voisine a causé un problème. Six enfants ont été tués dans cette maison.